lundi 29 septembre 2008

Jamia Millia quoi?

La suite de cette petite série Jamia avec la chouette kermesse de jeudi dernier.

Dialogue classique lors des trois mois qui ont précédé mon départ.
« _Tu vas où ?
_Jamia Millia Islamia !
_Brrrr »
Ou : « Ah oui, j’ai entendu parler de ce réseau de madrasas pakistanaises.»
Ou encore : « Mange ta soupe où je t’envois à la Jamia ! »
Et moi, invariablement, de rassurer :
« _Allons bon mes amis, cela reste une université d’Etat ! »

Le joli vert pakistan du blason

L’actualité de ces dernières semaines a pourtant bien failli me faire réviser mon jugement.

13 septembre, explosions à Delhi. Cinq bombes, 24 morts, 150 blessés, gros traumatisme. Les Moudjahiddines Indiens revendiquent les attentats. La police est sur les dents. D’autres bombes sont désamorcées.
25 septembre, Jamia Nagar, juste à côté de l’université. Le quartier est aux abois. Une impressionnante concentration de forces de l’ordre encercle la zone. Ils ont bien du vider une demi douzaine de casernes. A l’intérieur grosse fusillade dans une planque de terroristes. Il y a de la casse : deux terroristes sont tués, un troisième est arrêté et les deux derniers se sont enfuis, on ne sait pas trop comment. Du côté des forces de spéciales, deux hommes sont morts. Deux nouveaux suspects sont arrêtés le lendemain. Dans les jours qui suivent, stupeur. Au moins trois des terroristes étudiaient à Jamia. La presse se régale. L’association musulman=« extrémiste-islamiste-antisocial-qui-tue-de-senfants » est facile.

Le genre de photo qui régale les journaux (copyright Hélène Ferrarini)

Les nationalistes hindous du BJP (Bharatiya Janata Party) s’enflamment et réclament la démission du directeur. Du côté des étudiants musulmans, on la joue discret. Tout le monde garde en mémoire les émeutes du Gujrat, où, en février 2002, environ 2000 musulmans avaient été lynchés.
Et puis il y a ce discours du directeur devant toute l’université, mercredi. La presse est là, aux aguets. La fin du discours se fait sentir. Un premier cri retentit. « Shame on media ! » Puis deux, puis trois et bientôt c’est un véritable cortège qui se forme sous l’égide des slogans anti presse. A bien y regarder ce n’est pas si spontané mais ce qui est certain c’est qu’ils ne sont pas là pour rigoler ; les journalistes se retranchent vite fait dans leur camion.

Le lendemain grosse manif, plus officielle, « pour la paix ». (J’aime…). Derrière ce joli titre plein d’originalité, l’idée est en fait de montrer une autre image de Jamia et plus généralement de la communauté musulmane. Que du bonheur ! De la foule en veux tu en voilà, de la tension comme dans les 20h sur le Pakistan et des slogans rigolos tout plein !L’ensemble de l’université s’est mobilisé. Les voisins des quartiers musulmans sont venus eux aussi. Ca se bouscule, ça crie sans trop savoir pourquoi.



Les cops sont un peu tendus.


Les slogans sont de plus ou moins bons goûts. J’ai un petit faible pour le « stop saying muslims as terrorists ». Certaines pancartes en hindi clament sans complexe qu’il faut « release the innocents ! ». Rapellons qu'on a quand même trouvé plusieurs Kalashs chez les "innocents" ! La mauvaise foi n'est pas l'apanage des seuls étudiants. En marge de la marche pour la paix, une autre manifestation a lieu un peu plus loin. Mené par des affiliés BJP, elle prône carrément la suppression de Jamia(14000 étudiants tout de même). Amis populistes, spécialistes de la surenchère en tout genre, venez en Inde il y a de quoi faire!

Ils sont mignons, non?


En parlant des Kalashs!


Un peu de mauvaise foi. Ca défoule et ça mange pas de pain. On pourrait presque être en France! (sur les pancartes: unite against harassment of innocent muslims et release innocents)



Bref vous l’aurez compris, message du post : « Les barbus sont tout gentil, je vais bien, ne vous inquiétez pas. »



Prochain volet sur mes petits camarades de classes.

2 commentaires:

Manu a dit…

Déjà un grand fan du "Listen to me !", je suis maintenant fan de ton style tout cours. Sérieux mec met nous plus d'articles, c'est un quart d'heure de bonne humeur garantie !
Fais quand même gaffe aux lynchages...
++ !

Anonyme a dit…

Franchement, c'est assez génial à lire! Cela évoque des souvenirs! L'année dernière on avait un prof aussi du genre crapaud adepte du "listen to me". Je ne pense pas que ce soit le même puisqu'il est prof au Nehru studies center.

En tout cas ça fait plaisir d'avoir des nouvelles toutes fraîches de Jamia! Tout de même mythique...