lundi 27 octobre 2008

Nuits indiennes 3 : la vagabonde.

Delhi, mi-septembre, juste après les attentats. Sous pression, la ville devient invivable. Je décide brusquement un voyage en pays sikh, au Pendjab. Direction Amritsar, la ville sainte du sikhisme et la capitale de l’Etat. Train à 17h, arrivée à 22h. Tranquille.

Tout commence à la gare. « Bombes à Delhi, trains au tapis » dit approximativement le dicton local. Confirmé : deux heures d’attente en plus de l’heure de retard habituelle. Malgré la vitesse exceptionnellement élevée de mon Shatbadi Express, je n’atteins Amritsar que vers 1h du matin. Je n’ai pas prévu grand-chose et je me laisse prendre en charge par Aved Singh, rencontré dans le train. Heureux père depuis deux jours, il va passer la nuit au Temple d’or pour remercier le Tout Puissant : « it’s a boy ! » Il a la foi solide : il rogne 1800 roupies de son salaire de petit électricien pour se payer l’aller retour !

Après trois quarts d’heure de rickshaw vélo et deux P.P.P (Pause-Prière-Prosternation), nous touchons au but. Il est deux heures. Le gros cube doré du temple flotte au milieu du bassin. Malgré l’heure tardive, on sent encore ce mélange entre grouillement et recueillement, propre à tout lieu de culte en Inde. Sous les arcades de marbre blanc qui encadrent le bassin, le peuple sikh dort à même le sol, bercé par les psalmodies de quatre grands prêtres.

Aved insiste pour me faire partager son bain d’arrivée. Je résiste et le regarde faire trempette dans l’eau visqueuse du ghât. Après une dernière P.P.P, je le laisse vaquer à ses offrandes. Inspiré par l’ambiance, j’avise un pilier et je m’installe pour la nuit sous l’œil dubitatif de mes voisins.

3h30 : Je rêvasse doucement des aventures à turbans oranges et à longues barbes blanches quand des éclats de voix me sortent de ma léthargie. J’ouvre un œil, le referme, puis le rouvre aussitôt. Tous mes voisins ont disparu et à deux mètres, un énorme sikh s’apprête à me balancer un plein seau d’eau à la figure. Il est suivi d’une menaçante armée de balais à turbans. Ni une, ni deux je bas en retraite. SPLATSH. J’ai sauvé mon sac, mais pas mes cahiers.



Un peu refroidi, je me traîne vers l’autre extrémité du temple. A peine rendormi, quelque chose de pointu vient me chatouiller les côtes. Du bout de sa lance, un garde en grande tenue essaye de me faire comprendre que ma position, allongée perpendiculairement au ghât, est interdite. J’obtempère mais la position parallèle ne le satisfait pas non plus et il me fait déguerpir sans plus de ménagement. Un peu perplexe, je vais m’asseoir contre un pilier. Immédiatement, le barbu à la lance rapplique : « Quand il fait jour, les jambes ici, on les croise ! » Eeeh Baghvan ! (O Dieu !)

Vaincu à l’usure, j’abandonne la partie et j’échoue dans le dortoir pour touristes du Gurudwala. Dont je me fais éjecter à 9h00.

J'ai litteralement dormi debout toute la journee du lendemain; on ne se change pas.

dimanche 12 octobre 2008

Nuits indiennes 2: BOUM

Je ne pensais pas débuter ainsi mais il y a des délais que l’actualité ne souffre pas. Voici donc le récit d’une première « non nuit » indienne.

Ici Vincent, reporter de guerre en direct de Lajpat Nagar, Krishna Market, New Delhi. On entend encore des déflagrations dans les rues même si une baisse d’intensité se fait sentir. C’est avec 9/10e de moins à l’oreille gauche que je vous écris mais je suis malgré tout heureux d’être encore debout à l’issue de cette Dusshera, particulièrement explosive. Cela faisait une bonne semaine que les militants se faisaient la main avec des tirs d’essais à des horaires aussi incongrus que 3h47 ou 5h26 du matin (je m’en souviens parce que mon portable restait bloqué après l’onde de choc.) mais jamais je n’aurais escompté une telle violence.

A côté, l’Irak c’était du bidon.





Dusshera est une fête qui vient elle-même clôturer une période de fête de neuf jours appelée Navaratri, préparant elle-même à la grande semaine de fête de Divali, fin octobre. Ca suit au fond? On célèbre ce soir la victoire des dieux sur le mal en se déguisant et en explosant les démons à grands coups de claques doigts, de pétards, de feux d’artifices, de dynamites et autres explosifs plus ou moins louches.



Tout se passe dans la rue, comme toujours en Inde. Des énormes bonhommes de cartons pâtes censés représentés les démons sont dressés un peu partout.




La première partie de la soirée consiste à épuiser le stock d’explosifs qu’il reste de la semaine d’entraînement. Autour du mannequin, les jeunes font pêter leurs engins avec une inconscience criminelle. C’est hallucinant ! Ca touche au suicide ! Les mises à feu se font à l’allumette et si ça ne prend pas dans les 10 secondes qui suivent, on écrase tranquillement la charge du bout du pied. La foule, milles fois trop près, avance et recule au gré des déflagrations, hurlant de frayeur quand la charge est trop forte. A en juger par les explosions, il y a de quoi refaire un petit Verdun.




Ici aussi les dieux ont leurs martyrs

Le niveau sonore est évidemment l’objet d’une compétition acharnée entre les différents comités organisateurs et chacun a sa petite idée sur le moyen de gagner quelques décibels supplémentaires. Dans ce comité sikh on a installé un Dj et des spots et on invoque la divinité au son techno de « Floor to the floor ». Dans cet autre stand pendjabi, une troupe de danseurs traditionnels assure le spectacle à grands renforts de paillettes.
Bref tous les moyens sont bons.



Un doigt sur le déclencheur de mon appareil, l’autre sur mon tympan, je me barricade comme je peux derrière les vendeurs de cochonneries en tout genre. J’attends avec un peu d’appréhension le moment où il faudra s’en prendre au gros démon. Je sais bien qu’on va le brûler mais au vu du stock d’explosifs je doute qu’il ne s’agisse que d’un gentil feu de paille. Je commence à me chercher une retraite et j’avise le toit d’un garage délabré. Après quelques acrobaties, je suis sur la place, avec une vue parfaite sur le champ de bataille. Le grand bonhomme tout moche fixe la foule de ses gros yeux ronds idiots. Il doit quand même sentir un peu d’animosité parce qu’il tangue légèrement au gré des explosions. Le moment de la confrontation finale venue, un type s’avance avec une torche, crève le bidon du démon et se carapate en courant. La réaction du bonhomme ne se fait pas attendre. Une détonation de fin du monde crève l’atmosphère. Le souffle de l’explosion me fait vaciller. Un vrai carnage ! Le malheureux bonhomme n’y survivra pas, mes tympans non plus.






Chaos









Ici Bagdad, à vous Paris

Avis aux amateurs!

mercredi 8 octobre 2008

Nuits indiennes 1

Ici commence une série sur les joies du sommeil en Inde. Un post, une nuit et ceux jusqu'à épuisement du filon.
J'entends déjà certains commentateurs louches railler l'ambiguïté de mon titre. Âmes sensibles, rassurez-vous, rien de scabreux dans les lignes qui suivront, bien au contraire!
Mais laissez moi avant toute chose, vous introduire aux modalités de l'exercice. Dormir est ici un art dont la rue est l'incessant réceptacle. La preuve en images avec cette galerie. Delhi ou la ville aux milles dormeurs!